Ça y est, j'ai enfin pu le voir. L'attente fut longue depuis le festival de Cannes qui lui donna la Palme d'Or, en passant par les innombrables tentatives de récupération politiques et/ou corporatistes, les commentaires de ceux qui sont pressés d'avoir un avis avant d'avoir vu, jusqu'aux expertises pincées des enseignants sur le degré de crédibilité de l'histoire.... L'attente fut assez longue en tout cas pour que je sois remontée comme un coucou et farouchement résolue à défendre le droit de l'auteur et du cinéaste à donner leur vision, plutôt qu'à tendre un miroir absolument fidèle à l'Education Nationale. Le visionnage le confirme, il s'agit d'un film, d'une œuvre de fiction, quand bien même celle-ci est basée sur une expérience personnelle et interprétée par des collégiens changés en comédiens amateurs.
Et ce sont encore eux, les adolescents, qui sonnent le plus juste dans tout ceci - les adultes, enseignants pour la plupart, semblent agités de soubresauts de commande et leurs questions existentielles ressemblent à la lecture d'un rapport administratif. Les jeunes eux pétillent de vie et de malice, ont une tchatche d'enfer comme dans L'esquive mais se placent moins systématiquement dans le conflit, avant tout ils veulent comprendre pourquoi les choses sont ainsi et pas autrement.
Le film nous fait parcourir une année scolaire dans la classe de François (François Bégaudeau, l'auteur du livre duquel le film est adapté), au rythme des joutes verbales incessantes qui se déroulent entre le professeur de français et ses élèves, dans ce collège coloré à la réputation "moyenne", comme le souligne avec âcreté une mère qui veut que son fils aille au lycée Henry IV... Je dis "le" film, en fait il y en a deux si l'on regarde bien, une première partie un peu naïve où l'on croit voir un professeur volontaire qui se bat pour aller chercher jusqu'aux élèves abonnés au fond de la classe et en obtenir un travail, un progrès, qui secoue le cocotier et refuse de baisser les bras.....
Et il y a une seconde partie qui surgit à l'occasion d'un conseil de classe, alors que se discute le devenir d'un élève buté et ingérable: François le qualifie lapidairement de "sans doute scolairement limité", et je bondis dans mon siège, indignée au moins autant de la dureté de la condamnation que de l'apparente absence de réaction des autres protagonistes du film. C'est en fait là que le côté démissionnaire de François nous explose à la figure, lui explose à la figure et aboutit à une crise majeure. Il devient alors manifeste qu'il a renoncé depuis longtemps déjà à élever ses élèves au-dessus de leur condition (son refus d'enseigner "Candide", "trop compliqué", annonçait la couleur) et qu'il se contente d'évoluer au sein de limites étroites, de jongler avec les carences de ces jeunes gens envers qui il n'a plus que des exigences légères. Pire, pris en flagrant délit de défaitisme il se venge en passant ses nerfs, de la manière la plus mesquine qui soit, sur les élèves témoins de ses défaillances et devient le vecteur de l'exclusion qu'il prétendait combattre.
Je ne sais pas dans quelle mesure je sur-interprète, dans quelle mesure je suis la seule à voir cela dans ce film et j'ignore totalement quelles étaient les intentions des auteurs vis-à-vis du personnage de François. Mon sentiment est qu'il apparaît comme un homme en échec qui tue le temps, en posant à l'humaniste, tandis que lentement sa classe s'enlise dans une médiocrité qu'il n'essaie plus d'endiguer. Pathétique, pour tout dire.
Un moment à la fin m'a submergée d'émotion, lorsqu'une jeune fille avoue le tout dernier jour de l'année scolaire et d'une toute petite voix que contrairement à ses camarades elle n'a rien appris, rien retenu, et elle confesse sa peur panique de "finir en lycée pro", déchéance suprême à ses yeux... On se dit alors que l'école (et tous ces jeunes à son bord) se meurt de ces choix "faute de mieux", de cette monstrueuse lassitude de ne rien voir bouger à perte de vue qui finit par immobiliser même les vaillants.
Et ce sont encore eux, les adolescents, qui sonnent le plus juste dans tout ceci - les adultes, enseignants pour la plupart, semblent agités de soubresauts de commande et leurs questions existentielles ressemblent à la lecture d'un rapport administratif. Les jeunes eux pétillent de vie et de malice, ont une tchatche d'enfer comme dans L'esquive mais se placent moins systématiquement dans le conflit, avant tout ils veulent comprendre pourquoi les choses sont ainsi et pas autrement.
Le film nous fait parcourir une année scolaire dans la classe de François (François Bégaudeau, l'auteur du livre duquel le film est adapté), au rythme des joutes verbales incessantes qui se déroulent entre le professeur de français et ses élèves, dans ce collège coloré à la réputation "moyenne", comme le souligne avec âcreté une mère qui veut que son fils aille au lycée Henry IV... Je dis "le" film, en fait il y en a deux si l'on regarde bien, une première partie un peu naïve où l'on croit voir un professeur volontaire qui se bat pour aller chercher jusqu'aux élèves abonnés au fond de la classe et en obtenir un travail, un progrès, qui secoue le cocotier et refuse de baisser les bras.....
Et il y a une seconde partie qui surgit à l'occasion d'un conseil de classe, alors que se discute le devenir d'un élève buté et ingérable: François le qualifie lapidairement de "sans doute scolairement limité", et je bondis dans mon siège, indignée au moins autant de la dureté de la condamnation que de l'apparente absence de réaction des autres protagonistes du film. C'est en fait là que le côté démissionnaire de François nous explose à la figure, lui explose à la figure et aboutit à une crise majeure. Il devient alors manifeste qu'il a renoncé depuis longtemps déjà à élever ses élèves au-dessus de leur condition (son refus d'enseigner "Candide", "trop compliqué", annonçait la couleur) et qu'il se contente d'évoluer au sein de limites étroites, de jongler avec les carences de ces jeunes gens envers qui il n'a plus que des exigences légères. Pire, pris en flagrant délit de défaitisme il se venge en passant ses nerfs, de la manière la plus mesquine qui soit, sur les élèves témoins de ses défaillances et devient le vecteur de l'exclusion qu'il prétendait combattre.
Je ne sais pas dans quelle mesure je sur-interprète, dans quelle mesure je suis la seule à voir cela dans ce film et j'ignore totalement quelles étaient les intentions des auteurs vis-à-vis du personnage de François. Mon sentiment est qu'il apparaît comme un homme en échec qui tue le temps, en posant à l'humaniste, tandis que lentement sa classe s'enlise dans une médiocrité qu'il n'essaie plus d'endiguer. Pathétique, pour tout dire.
Un moment à la fin m'a submergée d'émotion, lorsqu'une jeune fille avoue le tout dernier jour de l'année scolaire et d'une toute petite voix que contrairement à ses camarades elle n'a rien appris, rien retenu, et elle confesse sa peur panique de "finir en lycée pro", déchéance suprême à ses yeux... On se dit alors que l'école (et tous ces jeunes à son bord) se meurt de ces choix "faute de mieux", de cette monstrueuse lassitude de ne rien voir bouger à perte de vue qui finit par immobiliser même les vaillants.