mercredi 16 septembre 2009

I've had the time of my life / And I owe it all to you

Le snobisme de (beaucoup de) ceux qui se revendiquent "cinéphiles" a le don de me hérisser très fort. Je ne comprends pas, et ne comprendrai jamais, la propension de certains à établir une hiérarchie entre les films, à distinguer ceux que l'on peut (que l'on doit) revendiquer d'avoir vu (et aimé, forcément, comment ne pas?) pour être considéré comme une personne de goût, et ceux qu'il convient de ne voir qu'au second degré, en précisant bien "bon évidemment c'est pas du Bergman, hein" pour se dédouaner auprès des initiés. Si on condense cette pensée, il faut adorer Scorsese et Ozu et voir les films de Jean-Claude Van Damme, mais uniquement pour déconner avec les potes. Parce que c'est comme ça qu'on fait chez les "cinéphiles" (ceux auxquels je pense en rédigeant ce billet du moins).

Pour défriser un grand coup ces pisse-froid, j'ai pris l'habitude de balancer "J'aime Les fraises sauvages et Dirty dancing, à égalité, mais pas pour les mêmes raisons". Parce que c'est vrai: le premier est une grande claque esthétique de l'âge adulte, le second le film de mes 15 ans, je peux les revoir l'un comme l'autre sans lassitude.

Et vlan, voilà que Patrick Swayze vient de mourir. Le torride Johnny Castle de Dirty dancing. Mes années midinettes sont loin derrière moi mais je peux me souvenir avec précision de ces après-midis où, à peine rentrées du lycée, on se repassait la scène finale sans pitié pour la pauvre VHS fatiguée que nous nous prêtions entre copines. Cette scène, elle est visible ici, et punaise de la revoir aujourd'hui j'en ai les larmes aux yeux. C'est très con je sais, fantasme pour fantasme je doute d'éprouver la même chose le jour où Tom Cruise y passera (pourtant Top gun a aussi causé son lot d'émois), c'est sans doute la projection que je faisais, moi l'ado au physique ingrat, sur cette histoire de vilain petit canard. Ou alors simplement le souvenir de ce temps-là et des sensations qui allaient avec (même si l'amertume de certaines d'entre elles m'empêche à tout jamais d'être à proprement parler nostalgique).

Je ne sais pas pourquoi je vous embête avec tout ça, en fait. Je n'ai jamais sympathisé avec le deuil des fans à la mort d'une célébrité (pleurer pour quelqu'un que vous n'avez jamais rencontré, allons donc!), et me voilà réellement triste. Bêtement triste.

Et n'oubliez pas: "Nobody puts Baby in a corner."

dimanche 6 septembre 2009

Walkabout - Nicolas Roeg, 1971

Sydney, Nouvelles Galles du Sud, Australie. Un homme emmène ses deux enfants en pique-nique dans le bush. Étrange idée, à l'issue plus étrange encore: l'homme, pris de folie, sort un pistolet et commence à tirer sur les enfants, puis arrose la voiture d'essence et se suicide. Les enfants (Jenny Agutter et Luc Roeg) n'ont d'autre choix que de tenter de retrouver le chemin vers la civilisation. Leurs errances leur font rencontrer un jeune Aborigène (David Gulpilil) parti en walkabout...



Il n'y a pas de mots pour décrire le dépaysement qui vous saisit lorsque, venant d'Europe, vous arrivez en Australie pour la première fois. Le choc est d'une violence inouïe, rien qui soit familier à l'oreille, à l'œil ou même à l'odorat, jusqu'à la consistance de l'air qui vous parait insolite.
Rien ne peut vous y préparer, et de fait les enfants du film ne sont absolument pas armés pour faire face à la dureté extrême de ce que ce pays a de plus hostile: son désert, sa chaleur, sa faune bizarre, féroce et venimeuse. Le contraste entre les uniformes de sages écoliers anglais et la minéralité quasiment intouchée de l'environnement est à lui seul un commentaire acerbe sur l'inadéquation de l'homme et de sa civilisation rigide face à la sauvagerie de cette réalité-là (le fait que les enfants se cramponne à une radio qui leur débite des conseils sur les bonnes manières à table est une autre critique en ce sens). Les enfants ne peuvent pas survivre, et n'auraient pas dû survivre (incapables de trouver seuls l'eau pourtant toute proche, inaptes à exploiter la nature chichement nourricière) s'ils n'avaient pas croisé le jeune "Abo".



Celui-ci, au contraire, est infiniment adapté à ce pays, rien ne l'inquiète et il n'est que sourires et jeux. La chasse assouvit les besoins du jour, il peint sur les parois rocheuses un hommage aux esprits bienveillants. Il vit dans une bienheureuse immunité et ne cherche qu'à la partager avec ces deux enfants perdus, rêvant même à la possibilité d'une vie de famille avec la jeune fille blanche dans une ferme abandonnée. Mais l'incompréhension fondamentale vient fracasser l'illusion de l'harmonie, laissant la jeune femme changée à jamais. Roeg nous laisse sur une saveur évanouie, regrettée quoique jamais sa composition n'ait été totalement connue, un constat sur deux mondes non miscibles.