samedi 30 janvier 2010

Au-revoir Jean Simmons

Je suis en retard sur l'actualité, je sais, mais je tenais à saluer le départ d'une grande dame, morte il y a plus d'une semaine à l'âge respectable de 81 ans: Jean Simmons.
Je n'ai pas eu l'occasion de l'admirer dans beaucoup de films en dépit de sa longue carrière, mais deux resteront avec moi quoi qu'il arrive.

Le narcisse noir de Michael Powell et Emeric Pressburger, en premier lieu. Dans le rôle de Kanchi, "petite baiseuse indienne" (la formule est de Sir Laurence Olivier, telle que la rapporte l'autobiographie de Powell) quasiment muette mais, comment dire? extrêmement expressive et suggestive, la Jean Simmons de 17 ans à peine irradie la sensualité et la malice, explosion de couleurs et d'animalité dans l'univers de couleurs assourdies et de passions étouffées des sœurs peuplant le couvent Himalayen de Saint Faith. Voyez ces captures, comprenez comment Stewart Granger tomba instantanément sous le charme en découvrant le film.










 










Ensuite Un si doux visage (Angel face) d'Otto Preminger. Sa Diane Tremayne est une petite fille riche terriblement égotiste, pathologiquement incapable d'appréhender la frustration de ses désirs et pour cette raison prête à tout pour les assouvir. Mentir, tricher, voler un homme à sa fiancée, tuer, sous la frange sage (une perruque qu'imposa Howard Hughes pour enlaidir l'actrice qui repoussait ses avances.... raté, HH) les yeux immenses gardent la même fixité inquiétante et la clarté de l'enfance. Face à elle Mitchum est plus mitchumesque que jamais, à la fois facilement embobiné par cette péronnelle et plus retors qu'il n'y paraît, victime consentante gardant par-devers lui des cartes décisives.

Je pourrais encore citer, même s'il n'a pas la même place dans mon souvenir, Elmer Gantry, le charlatan réalisé par son second mari, Richard Brooks, parabole efficace mais longuette sur la bigoterie et l'hypocrisie des prédicateurs américains. Le personnage de Sister Sharon, tout d'exaltation et d'aveuglement, est splendide.

dimanche 17 janvier 2010

L'amour au temps de la tuberculose: Bright star (Jane Campion, 2009)

Ce n'est pas tous les jours qu'un film vous fait vous souvenir à quel point la délicatesse peut vous toucher en plein cœur, vous déchirer tout doucement en ramenant à la surface la précision d'un sentiment et la lumière qui le baignait.

Bright star n'est pas un grand film, je vous le dis tout de suite. Il n'a pas la sauvagerie burlesque et l'étrangeté tranquille des films des débuts de Jane Campion (Sweetie, Un ange à ma table), il n'a pas le souffle de La leçon de piano auquel on voudrait le comparer (deux films en costumes, deux romances, une même réalisatrice: c'est tentant). Il ne ressemble pas non plus à Portrait de femme ni à Holy smoke.... et c'est heureux, je n'ai aimé aucun de ces deux derniers films, mais je m'égare.



La réalisatrice est connue pour exceller dans la peinture des individualités singulières embourbées dans des milieux contraints et empesés, elle se montre ici à la hauteur de sa réputation: l'idylle du poète John Keats et de Fanny Brawne est d'emblée qualifiée d'impasse par l'ensemble de leur entourage, pour diverses raisons. Charles Brown, l'ami/secrétaire/cerbère/parasite de Keats, le veut tout entier dévoué à son art et voit en Fanny sa némésis, une jeune femme préoccupée de ses atours et donc nécessairement frivole, qui ne peut que détourner l'artiste de son destin. La mère de Fanny (Kerry Fox en bonnet d'époque) voit sa fille s'éprendre sans retour de ce voisin si grave mais si charmant.... et tellement désargenté, elle sait que le mariage est impossible mais est impuissante à empêcher son enfant de souffrir - tout autant que Brown est impuissant à éloigner longtemps les deux jeunes gens l'un de l'autre.

Car ces deux-là se sont trouvés pas à pas, sous le regard d'une caméra infiniment sensible qui enregistre la montée du trouble, les doutes et les revirements: de petits points de broderie patiemment alignés, piqûres d'aiguilles du tourment. La photographie douce de Greig Fraser les caresse, enlumine le merveilleux profil d'Abbie Cornish (Fanny), qui rend à la perfection l'entêtement de son personnage à grapiller chacune des petites miettes de bonheur qui passent à sa portée, frémissante d'amour autant qu'elle se montre inflexible devant la rumeur, puis la maladie de Keats. Ce dernier est joué avec beaucoup de charme par Ben Whishaw (une des incarnations de Dylan dans le déconcertant I'm not there), charme qui ne dissimule pas totalement une certaine faiblesse de caractère chez son personnage, non plus qu'un calme désespoir impossible à secouer. Leur intimité est parcellaire, plus fine que les ailes des papillons que Fanny s'évertue à capturer pour exalter ses sensations, mais tout inépanoui que soit cet amour entre deux portes nous le sentons au-travers de ce film, et nous pleurons sa fin.

samedi 2 janvier 2010

Bilan, lan laire

Oui je sais je suis en retard, mais que voulez-vous, la saison est propice aux disp... euh, aux réunions de famille, qui elles-même vous incitent à abuser de l'alcool (si ce n'est pas pour des raisons festives et conviviales, au moins pour soutenir vos nerfs soumis à rude épreuve), ce qui a fatalement pour résultat de vous faire comater jusqu'à une heure fort avancée de la journée. Vivement le retour au boulot, lundi, pour qu'on puisse souffler un peu, corne de bouc!

Voici donc ce que je retiendrai de mon année 2009 à moi, émaillée de 183 films dont 22 vus en salle, pas si mal......

L'empathie qui vous prend à la gorge: Les noces rebelles dans sa globalité, et plus particulièrement le personnage joué par ma chère Kate Winslet. Je ne comprends pas que ce film ait été si peu récompensé par rapport à The reader, à qui il ne le cède en rien en matière d'intensité dramatique, de mise en scène ou de jeu d'acteurs. Peut-être cette dissection froide et inconfortable des glissements de terrain intimes a-t-elle semblé moins glamour aux jurys, allez savoir.... En tout cas je ne peux pas repenser à la fin sans un serrement d'estomac (non, pas de cœur, à cette période de l'année seules mon appareil digestif est encore fonctionnel).
Dans un registre un peu différent, le prologue de Là-haut, qui retrace la longue vie de couple de Carl et d'Ellie: un trésor de douceur, tout est là, les plans sur la comète et les espoirs déçus, la complicité, la tendresse. On a fait le test avec mon mari: à la revoyure, on finit en larmes pareil.

Le bijou visuel: Azur et Asmar, juste wow à tous les niveaux. On aimerait passer de l'autre côté de l'écran et se balader dans ces décors féériques.

Le frisson de sensualité: la scène de danse dans le café de 35 rhums - inutile d'en rajouter, j'ai déjà tout dit dans mon papier.

De l'art (plus ou moins maîtrisé) de mystifier son monde: par un pur hasard, j'ai découvert Forgotten silver la veille du jour où j'ai vu La jeune fille de l'eau.
Le premier est un faux documentaire autour d'un réalisateur imaginaire, hommage à la fois nostalgique et humoristique à l'ère des grands pionniers du cinoche: la mystification marche parfaitement parce qu'elle est intelligente et mise sur la culture du spectateur (et non sur sa crédulité).
Le second film est un conte invraisemblable autour d'une ondine échouée dans notre monde, proie de forces maléfiques, et qui va être secourue grâce à la solidarité déployée par la faune humaine bigarrée d'une petite résidence. Ça dégouline (hihi) de mièvrerie et le scénario mise tellement outrageusement sur la suspension d'incrédulité que l'on se demande si ce n'est pas aussi au spectateur de tenir la caméra, tant qu'à y être. La mystification dont il est question est bien celle de Shyamalan, qui est parvenu à se faire passer pour un auteur auprès de certains critiques.

Le prix "petites socquettes et gomina": Le blob, c'est trop bath!

La trouillasse: Carnival of souls, malaise garanti de la première à la dernière minute.

Le prix "dans ta face, Eric Besson": Welcome, what else?  Le film n'est peut-être pas aussi bon que ce que certains ont pu dire, mais il a le mérite immense de mettre le doigt sur l'hypocrisie et l'inhumanité foncières des lois anti-immigration actuelles.

L'ironie à l'italienne, aussi inimitable que l'espresso et le tiramisu: Les monstres, La cité des femmes, Au nom du peuple italien. Ah la vache, ils sont forts tout de même. Et en plus ils ont George Clooney pour voisin, c'est trop pas juste.


Le prix "beaucoup de bruit pour pas lourd": Je vais bien, ne t'en fais pas (ce n'est plus un twist final, c'est un sprotch); The dark knight (le problème avec la surenchère, c'est qu'elle finit par anesthésier les terminaisons sensorielles; le problème avec les films dont un des protagonistes est mort en cours de tournage, c'est que ce point annihile toute initiative critique); The wrestler (à l'écran comme dans la vie, le chantage aux émotions à base de loser-au-grand-cœur me hérisse); la trilogie de Jason Bourne (ah, c'est donc de là que vient cette mode pour le secouage de caméra? parce que les scènes d'action étaient jusque-là odieusement lisibles, sans doute?).

La grosse fatigue: Whatever works. Woody, je ne dirai pas que j'étais folle des derniers films où tu te frottais à la jambe de Scarlett Johansson, mais par comparaison c'était moins pire que ce retour en arrière mal gaulé. Ce qui te sauve c'est d'avoir casté cette formidable foldingue de Patricia Clarkson, sois-en remercié.

Il faut le voir pour le croire: Veerana, improbable film de sorcière/vampire à la sauce Bollywood, qui mixe des idées piquées au Masque du démon et à une ribambelle de classiques de la Hammer. Les scènes qui s'essayent à être sexy sont risibles, un personnage qui semble échappé du Benny Hill Show tente de soulager la tension à coup de blagues pataudes, le père de l'héroïne met deux heures de plus que le spectateur à comprendre ce qui se passe (sur deux heures et quart de film). C'est fabuleux.

Cette fois c'est sûr, c'est pas pour moi: Antonioni en général, L'éclipse en particulier (bâille). 

Ben non, ça non plus: OSS 117 ne me fait pas rire. 

Le total respect de celle qui fait pleuvoir quand elle chante: Walk the line. Accessoirement, je ne connaissais rien à la biographie ou à la musique de Johnny Cash et le film de James Mangold est parvenu à me captiver de bout en bout (à l'inverse, lapin compris à I'm not there, peut-être un brin trop conceptuel pour ceusses qui ne sont pas nés fans de Dylan). Et puis pfiouuuu, Reese et Joaquin, quoi.

La claque, la classe: la découverte de Mikio Naruse, avec Quand une femme monte l'escalier et Nuages épars. Quelle intensité, quelle retenue!


Bye bye: Christian Poveda, le courageux documentariste des maras salvadoriennes (voir absolument La vida loca, son film posthume), tué dans un règlement de comptes. Brittany Murphy, pour moi à jamais associée à l'arriviste gouailleuse qu'elle incarnait dans 8 mile, décédée d'une crise cardiaque (et de probables interactions médicamenteuses). Et Patrick Swayze, parti d'un pas dansant de l'autre côté...