samedi 27 septembre 2008

Vivement dimanche! - François Truffaut, 1983

Le film s'ouvre sur une petite musique guillerette métronomée par les pas de Barbara (Fanny Ardant) cadençant le pavé, et dès lors il ne la lâche plus dans cette enquête invraisemblable où une secrétaire insolente et secrètement amoureuse de son patron va lever les accusations de meurtre qui pèsent sur lui, où la une des journaux et les panneaux indicateurs fournissent (heureuses coïncidences) les clés de l'énigme, où les notables de province mènent une double vie, où on se déguise, où on s'embrasse par curiosité comme des adolescents.

Vivement dimanche! c'est un peu Alice la détective et Fantômette, les Bibliothèque Rose et Verte de mon enfance, avec des disgressions enjouées et un ton de bande dessinée, et au milieu une Fanny Ardant délicieuse, ne doutant pas une seconde qu'elle va résoudre le mystère à elle toute seule, happant dans son sillage un Jean-Louis Trintignant totalement dépassé par les évènements. Autant dire que c'est le film idéal pour tester jusqu'où vous pouvez suspendre votre incrédulité!

S'il vous fallait un autre argument, la beauté et la classe de Fanny Ardant vous donneraient envie de chanter du Vincent Delerm, ce qui n'est pas rien tout de même....






samedi 13 septembre 2008

Les cendres du temps - Wong Kar-wai (1994, 2008 pour la version redux)

Ouyang Feng vit en reclus dans le désert. Ne viennent troubler sa solitude que des gens qui sollicitent ses talents pour résoudre leurs problèmes, souvent des personnes en quête d'oubli, de vengeance, ou des deux.



Longtemps, très longtemps, ce film a été invisible sinon dans des versions de longueurs diverses (généralement une version dite "internationale" et une version dite "chinoise"), aucune des deux n'étant à proprement parler assumée par Wong Kar-wai. Des problèmes de financement avaient en effet émaillé le tournage (interrompu d'ailleurs le temps de tourner Chungking Express) et ont également longtemps empêché le cinéaste d'avoir accès à son œuvre, et d'assurer la diffusion d'un montage à son idée. J'ai découvert d'ailleurs Les cendres du temps il y a quatre ans, sous la forme d'un DivX aux couleurs sur-saturées, sous-titré à la fois en mandarin et en anglais, et amputé de son début. J'étais donc impatiente de redécouvrir ce film insolite dans de meilleures conditions...

Forme mise à part, ce film est instantanément reconnaissable comme tant de WKW. Les acteurs emblématiques sont là: Tony Leung Chiu Wai, Leslie Cheung, Brigitte Lin, Maggie Cheung, Carina Lau, les ralentis extrêmes aussi ainsi que les effets de transparences et de lumières, le lyrisme musical de la mise en scène (je pense maintenant savoir d'où Ang Lee tient sont idée d'accompagner Tigre et Dragon du violoncelle de Yo-Yo Ma...).

Mais c'est le thème, le thème surtout, qui rattache cette branche-ci à l'arbre généalogique des films de Wong. Un vin nommé "Vivre ivre et mourir en rêvant" qui apporte l'oubli, une nouvelle rencontre qui en rappelle une autre, des passés chargés, des grands brûlés de l'amour résignés à la solitude, des sentiments éclos hors-saison, à contre-temps, alors que la personne qui les a inspirés est déjà partie. Des échos et variations de ces motifs se propagent ici comme partout chez Wong Kar-wai, les secrets murmurés dans In the mood for love et 2046 sont enregitrés au bout du monde dans Happy together, la Su Li-zhen de In the mood for love dont on retrouve et le souvenir et l'homonyme dans 2046 tandis que dans Les cendres du temps Murong Yin incarne la schizophrénie de l'amour à sens unique, le Leslie Cheung figure à jamais l'homme fuyant et fatal, qui est tueur ici, assassiné dans Nos années sauvages et devient, par son absence, l'homme qui hante Lulu (Carina Lau) dans 2046....

On peut être un peu rebuté par le grain très visible de la pellicule et par les couleurs parfois travaillées jusqu'à la plus totale artificialité (sables jaune maïs contre ciels cobalt), certains maniérismes répétés jusqu'au tic peuvent agacer (le flou de bougé associé au ralenti des scènes de combats), mais le lyrisme emporte tout, et la narration sorcière qui boucle le récit là où il avait débuté nous permet de sonder (grâce à tout ce qui s'est déroulé avant que le cercle ne soit refermé) l'immensité de la nostalgie de celui qui a perdu son amour.