Une petite maison blanche entre champs fangeux et rocs abrupts, une petite famille venue de Londres, très vite agrandie par la venue d'une petite fille, née à la faveur d'un accident de voiture sur le chemin de la maternité. Foutoir familial et familier, intimité ténue où le fils voit le père (Ray Winstone) tripoter le ventre distendu de la mère (Tilda Swinton) juste accouchée, où le frère (Freddie Cunliffe) et la grande sœur (Lara Belmont) se chamaillent à moitié à poil au sortir du bain dont l'eau a sans doute servi à tous, tout semble en somme confortable comme une vieille vanne balancée d'un bout de la table de la cuisine à l'autre....
Mais nous savons bien, nous qui regardons le film, que les gens heureux n'ont pas d'histoire, et que par conséquent on ne saurait nous la raconter (cette histoire) si ces gens-ci étaient réellement heureux. C'est le fils, Tom, que son acné florissante désigne comme le puceau de service et (donc) la cible privilégiée des sarcasmes de sa sœur Jessie, qui va découvrir que ce qu'il prenait pour une vie normale n'était en fait que silence et aveuglement calfeutrant le mensonge et la honte.
Jessie est la proie de leur père en secret, et ce secret elle s'y cramponne, bravache, lorsque Tom la confronte. Par peur de voir menacé le fragile équilibre domestique? Par honte? Par amour, malgré tout, pour ce père incestueux? Par haine d'elle-même? Par orgueil, convaincue qu'elle est de savoir réprimer toutes les souffrances derrière sa moue butée? Le film jamais ne tranche, jamais ne propose de psychologisation facile et factive, et c'est tout à l'honneur du réalisateur et du scénariste. Le jeu de la jeune Lara Belmont est au diapason de cette ambition et relève le défi de capter la complexité turbide, parfois malodorante, des émotions plutôt que de les "jolifier" en les disposant dans un vase de cristal et en les étiquetant chacune. On ne saura pas non plus ce qui pousse ce père aux dehors si bonhomme à briser sa propre fille ainsi (un autre film se serait régalé à faire remonter en droite ligne cette déviance à quelque abus subi dans l'enfance.... on ne dira jamais tout le mal qu'une assimilation grossière des préceptes du freudisme a fait aux scenarii des soixante dernières années), à rejeter sur son fils la faute de la blessure mortelle portée à la famille lorsque la bulle du secret crève enfin...
Et on ne saura pas non plus ce qui attend, après, les jeunes rescapés de ce cauchemar. Parce qu'il n'y a pas de "bonne" réponse à la dernière question que lance Tom dans la froideur du bunker, non plus qu'il n'y a de "bonne" manière de survivre à l'inceste. Je ne peux pas m'empêcher de ressentir un immense sentiment de reconnaissance devant un film tel que celui-ci, qui montre sans asséner, qui questionne sans affirmer - qui part du principe que l'être humain fait en toutes circonstances ce qu'il peut pour se préserver du mal, par-delà toute morale.
Mais nous savons bien, nous qui regardons le film, que les gens heureux n'ont pas d'histoire, et que par conséquent on ne saurait nous la raconter (cette histoire) si ces gens-ci étaient réellement heureux. C'est le fils, Tom, que son acné florissante désigne comme le puceau de service et (donc) la cible privilégiée des sarcasmes de sa sœur Jessie, qui va découvrir que ce qu'il prenait pour une vie normale n'était en fait que silence et aveuglement calfeutrant le mensonge et la honte.
Jessie est la proie de leur père en secret, et ce secret elle s'y cramponne, bravache, lorsque Tom la confronte. Par peur de voir menacé le fragile équilibre domestique? Par honte? Par amour, malgré tout, pour ce père incestueux? Par haine d'elle-même? Par orgueil, convaincue qu'elle est de savoir réprimer toutes les souffrances derrière sa moue butée? Le film jamais ne tranche, jamais ne propose de psychologisation facile et factive, et c'est tout à l'honneur du réalisateur et du scénariste. Le jeu de la jeune Lara Belmont est au diapason de cette ambition et relève le défi de capter la complexité turbide, parfois malodorante, des émotions plutôt que de les "jolifier" en les disposant dans un vase de cristal et en les étiquetant chacune. On ne saura pas non plus ce qui pousse ce père aux dehors si bonhomme à briser sa propre fille ainsi (un autre film se serait régalé à faire remonter en droite ligne cette déviance à quelque abus subi dans l'enfance.... on ne dira jamais tout le mal qu'une assimilation grossière des préceptes du freudisme a fait aux scenarii des soixante dernières années), à rejeter sur son fils la faute de la blessure mortelle portée à la famille lorsque la bulle du secret crève enfin...
Et on ne saura pas non plus ce qui attend, après, les jeunes rescapés de ce cauchemar. Parce qu'il n'y a pas de "bonne" réponse à la dernière question que lance Tom dans la froideur du bunker, non plus qu'il n'y a de "bonne" manière de survivre à l'inceste. Je ne peux pas m'empêcher de ressentir un immense sentiment de reconnaissance devant un film tel que celui-ci, qui montre sans asséner, qui questionne sans affirmer - qui part du principe que l'être humain fait en toutes circonstances ce qu'il peut pour se préserver du mal, par-delà toute morale.