mardi 8 juillet 2008

Une ville d'amour et d'espoir - Nagisa Oshima, 1959

Masao, un jeune collégien, vit dans une misérable cabane avec sa mère malade et sa petite sœur handicapée mentale. Pour tenter de subvenir à leurs besoins, il vend encore et encore les mêmes pigeons, qui s'échappent chaque fois de chez leurs propriétaires pour revenir chez lui. Son attitude digne et sa volonté de s'en sortir lui valent la sympathie de Mademoiselle Akiyama, une de ses enseignantes, qui tente de lui venir en aide, et de Kyoko, une jeune fille à qui il a vendu un pigeon.


Voilà un drame social des plus étonnants. Il y a bien sûr ces cadrages insolites, ras des chevilles ou par-delà les toits et les cheminées d'usines, les mouvements de caméra qui soulignent la misère, économique et humaine (le grand panoramique sur le bidonville qui semble défiler derrière les personnages qui marchent), le pigeon qui revient à son maître aussi souvent que le besoin d'argent.
Sous des apparences policées (le jeune Masao niant en permanence ses propres, et très réelles, difficultés) et tout en tournant le dos à tout sentimentalisme débordant (bon, il est vrai que, tourné au Japon, un film comme Le voleur de bicyclette aurait été très différent, je vous l'accorde), la critique est féroce. Kyoko est une jeune bourgeoise qui s'entiche de Masao comme d'un chien perdu et qui, le jeune homme s'épuisant à maintenir les apparences, s'émerveille de ce que sa pauvreté n'ait pas l'air si sordide que cela. Pour assouvir ce caprice au parfum de bonne action, elle cherche à obtenir auprès de son père un travail pour le jeune homme mais ne supportera pas la déception en découvrant le petit commerce de son protégé - et fera tuer le dernier des pigeons. La mère de Masao, quant à elle, enferme sans s'en apercevoir son fils dans une logique de petits larcins et de vie marginale, tout en prétendant souhaiter qu'il s'extraie de sa condition. Elle finira d'ailleurs par lui reprocher le trafic de pigeons, pourtant son idée à elle.


Il reviendra à Mademoiselle Akiyama de défendre le point de vue le plus pragmatique. Elle a cherché à aider Masao à obtenir un emploi alors qu'elle aurait préféré le voir entrer au lycée, car elle savait que le besoin le plus immédiat de l'adolescent était de pouvoir gagner de l'argent pour soutenir sa famille. De même, elle repousse fermement les déclarations du frère de Kyoko, qui la courtise, lorsqu'elle apprend que le trafic de pigeons, cette malhonnêteté pathétique née de la nécessité extrême, a fait mauvaise impression lors de l'examen de la candidature de Masao et lui a coûté le poste. Le jugement sans appel de son soupirant les sépare, s'il est incapable de comprendre que l'honnêteté est un luxe pour gens aisés il ne comprendra jamais que la plupart des gens se débattent avec des petits compromis, et trichent pour survivre.

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