samedi 21 juin 2008

All I desire - Douglas Sirk, 1953

Naomi Murdoch, showgirl d'âge mûr, décide un jour de revenir dans la toute petite ville dont elle partit naguère, abandonnant son mari, ses trois enfants et le scandale en bourgeons d'une liaison adultère. Sans penser une seconde que son retour va faire davantage que réveiller les souvenirs du passé...

Sous ses apparences évidentes et lisses, il y a bien un mystère Sirk. Je n'arrive pas tout à fait à saisir comment ce diable d'homme fait pour mettre en place une situation vue mille fois (ici, l'adultère au sein d'une petite communauté, avec sa figure de pècheresse quasi-obligatoire) et pourtant nous la rendre neuve et captivante en démolissant méthodiquement ce qui s'annonçait comme des clichés, en ajoutant à des personnages aux contours simples les ombres propres et la perspective qui changent tout. Nul jugement à l'emporte-pièce, nulle schématisation, rien que de délicates touches d'humanité: l'ambitieuse fille cadette davantage éprise de l'aura sulfureuse de sa mère que de sa mère elle-même, la fille aînée dont le ressentiment tient surtout à sa jalousie de n'avoir pas le courage de s'affirmer, l'institutrice éprise du père qui sans un bruit s'effacera lorsque le retour de Naomi lui confirmera que ses sentiments ne sont pas payés en retour...

Il est amusant de voir qu'ici, comme dans Tout ce que le ciel permet, les jeunes gens semblent infiniment plus attachés aux conventions que leurs parents, comme si finalement le fait de ne rien connaître de la vie en pratique (ce qui doit être aisé dans ces petites villes que dépeint Sirk, où l'existence va du rebattu au balisé sous les regards de tous) conditionnait les êtres à un conformisme obtus.
Symétriquement, Naomi nous est montrée comme une femme entière et libre, infiniment plus attirante et charismatique que les jeunes filles qui l'entourent le soir de son arrivée. Une femme qui a suivi ses aspirations, assumé ses envies (comme nous le dirions aujourd'hui) quoi qu'elles lui aient apporté, qui a survécu sans amertume à la mort de ses illusions et qui a compris, enfin, ce qu'elle voulait vraiment. Il ne fallait pas moins que la splendide Barbara Stanwyck pour délivrer toutes les nuances de cette nature sans en faire ni une traînée flamboyante, ni une repentie larmoyante.

dimanche 15 juin 2008

Témoin à charge - Billy Wilder, 1957

Je ne vais pas m'étendre sur le film qui effectivement sent bon son adaptation d'Agatha Christie: personnages colorés ou secrets, intrigue généreuse en fausses pistes et en coups de théâtres, digressions burlesques... Au fond la résolution du mystère initial importe moins que les moyens par lesquels Sir Wilfrid Robarts (Charles Laughton) va parvenir à ses fins, à savoir 1) se dépêtrer de l'emprise de la nurse (Elsa Lanchester) chargée de veiller sur sa santé chancelante et 2) sauver son client (Tyrone Power), accusé de meurtre, de la potence.
Autant le dire tout de suite, dans l'une comme dans l'autre entreprise, son succès sera pour le moins... mitigé.
(Mais non enfin qu'alliez-vous croire, je ne vais pas dévoiler la fin!)


Moyens et cheminement qui nous valent de voir s'ébattre cet affreux vieux galopin de Laughton dans un rôle taillé sur-mesure pour lui: à la fois incorrigible cabotin de prétoire et garnement facétieux qui dissimule les cigares interdits dans sa canne et joue avec l'appareil censé l'aider à gravir les escaliers. Il faut voir sa gourmandise de matou repu des dialogues copieux servis par Wilder (j'aurais voulu être une petite souris sur ce tournage-là), il faut rire sous cape de sa relation avec Lanchester, son épouse à la ville, sur le mode "maman poule et gamin frondeur"... Si ce film ne marque pas par son intrigue criminelle, il réjouit grandement par ses numéros d'acteurs.