dimanche 10 octobre 2010

Requiem pour un massacre (Va et regarde) - Elem Klimov, 1985

Difficile de ne pas penser au très beau L'enfance d'Ivan, en suivant l'histoire filmée à fleur d'yeux de Florya (le stupéfiant Alexei Kravchenko), tout jeune paysan de cette Biélorussie de 1943 qui va être ravagée, comme en un éclair, par les nazis. Mais la comparaison s'arrête à ce parallèle entre deux parcours d'enfants pendant la Seconde Guerre Mondiale. 




Le film de Tarkovski montrait un Ivan fermé et dur comme un poing, offert à ceux qui l'instrumentalisent du moment que cette utilisation l'intègre dans un semblant de famille, un orphelin tout entier tendu vers une chimère et totalement désensibilisé au monde en proie au chaos de la guerre.Très logiquement, L'enfance d'Ivan semble hors du temps, désincarné comme peut l'être ce jeune personnage retiré en lui-même et déjà presque mort, flottant brièvement dans des limbes aqueuses avant de disparaître tout à fait.

Tout au contraire, le film d'Elem Klimov est puissamment terrien, charnel, et mise à fond sur une immersion sensorielle dans les combats, la boue, les mousses détrempées, la cohue des paysans poussés vers leurs morts, le mugissement d'une vache mourante, la beauté d'une jeune fille qui danse sous la pluie, le choc tellurique des bombes qui abattent les hauts arbres de la forêt, le bourdonnement sourd de ces étranges avions à queue dédoublée qui semblent survoler la tuerie comme autant de vautours de métal... 



Nous suivons Florya, charrié par ce mouvement qu'il ne comprend pas, et dont le visage de cire qui se décompose et se remodèle en plein cadre, ses yeux plongés dans les nôtres, restitue chaque nuance de l'horreur dans laquelle il est plongé (un effet spécial à soi tout seul, qui dispense de se servir du moindre artifice). Comme lui nous sommes assourdis par les bombardements, nos nerfs sont submergés par la nappe sonore et les tableaux de chair et de flammes de ce cauchemar vrai - une saturation qui culmine dans le montage final d'images d'archives. 



Si l'on voulait résumer rapidement, Requiem pour un massacre restitue l'abomination viscérale et l'irrationalité de la guerre, là où L'enfance d'Ivan était la sèche et déchirante marche funèbre d'un petit fantôme. Tous deux sont des films admirables, chacun dans son parti-pris narratif et esthétique cohérent et parfaitement maîtrisé., tous deux sont de ces films qui demeurent avec vous longtemps après les avoir vus.


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