Ses personnages ont tous quelque chose qui serait resté enfermé dans une consigne lointaine. On prend contact avec leur vie sans préambule et on passe le reste du film à recoller ensemble les petits morceaux qui passent flottant au fil de l’histoire, et ils passent vite comme s’ils étaient attendus plus loin. La plus large partie de l’histoire de ces gens se déroule, ou s’est déjà déroulée, hors champ et ailleurs (Chocolat, Beau travail, L’intrus). Nous n’en verrons rien ou alors nous en saisirons quelques bribes, des effluves portés par le vent, des objets oubliés dans les poches. Des échos qui s’échappent sans insister, mais qui viennent bientôt ricocher sur ce qui s’annonce, les conséquences de ce passé, on devine que c’était terrible et que ce qui vient sera pire encore, quoi que ce soit.
Avec malaisance ils et elles se meuvent, pas réellement cachés mais nullement en évidence, toujours en vigilance extrême et peu sûrs d’un univers qui les contient à peine (S’en fout la mort, J’ai pas sommeil, Trouble every day). Ils, elles sont des corps étrangers, au sens plein du terme. Ce n’est pas seulement leur accent exotique (Isaach de Bankolé, Yekaterina Golubeva, Vincent Gallo) ou leurs habitudes insolites (le combat de coqs, le cannibalisme), c’est une gestuelle désaccordée aussi, et une manière d’approcher toute chose comme si elle recelait et le trésor qui les affranchira à jamais, et le piège. Leur peau est filmée comme la surface d’un océan couvrant les abysses, on s’extasie qu’un velouté pareil puisse dissimuler de tels périls.
Leurs mouvements, jamais explicités (la narration tient ici de l’impression et jamais de la démonstration), semblent réagir selon ou contre une série d’impulsions souterraines patiemment irriguées par ce dense vécu qui les a menés là. Le désir d’approcher l’autre est omniprésent, même s’il ne semble reposer que sur le désir de s’ancrer dans une chair qui, elle, est inscrite parfaitement dans la réalité du moment. Cette tentative intime d’abordage ne peut toutefois déboucher que sur un constat toujours identique : l’autre peut être touché, goûté mais non absorbé au point que son appartenance devienne mon appartenance ; je ne serai pas moins dépossédé parce que je l’aurai possédé (Nénette et Boni, Trouble every day).
Il ne reste plus qu’à repartir dans un grand mouvement de refus, trouver un autre port si possible à défaut de savoir changer (L'intrus, Nénette et Boni). Ou voir dans cet impossible mélange à l’autre la source d’une liberté secrète (Vendredi soir).
NB: pour découvrir le cinéma de Claire Denis, il est bon de se munir de patience et d'un lecteur de DVD dézoné. En effet, certains des films envoûtants de cette artiste hors courants ne sont accessibles que sous la forme de DVD zone 1! (au temps pour la défense de la diversité culturelle française)
Avec malaisance ils et elles se meuvent, pas réellement cachés mais nullement en évidence, toujours en vigilance extrême et peu sûrs d’un univers qui les contient à peine (S’en fout la mort, J’ai pas sommeil, Trouble every day). Ils, elles sont des corps étrangers, au sens plein du terme. Ce n’est pas seulement leur accent exotique (Isaach de Bankolé, Yekaterina Golubeva, Vincent Gallo) ou leurs habitudes insolites (le combat de coqs, le cannibalisme), c’est une gestuelle désaccordée aussi, et une manière d’approcher toute chose comme si elle recelait et le trésor qui les affranchira à jamais, et le piège. Leur peau est filmée comme la surface d’un océan couvrant les abysses, on s’extasie qu’un velouté pareil puisse dissimuler de tels périls.
Leurs mouvements, jamais explicités (la narration tient ici de l’impression et jamais de la démonstration), semblent réagir selon ou contre une série d’impulsions souterraines patiemment irriguées par ce dense vécu qui les a menés là. Le désir d’approcher l’autre est omniprésent, même s’il ne semble reposer que sur le désir de s’ancrer dans une chair qui, elle, est inscrite parfaitement dans la réalité du moment. Cette tentative intime d’abordage ne peut toutefois déboucher que sur un constat toujours identique : l’autre peut être touché, goûté mais non absorbé au point que son appartenance devienne mon appartenance ; je ne serai pas moins dépossédé parce que je l’aurai possédé (Nénette et Boni, Trouble every day).
Il ne reste plus qu’à repartir dans un grand mouvement de refus, trouver un autre port si possible à défaut de savoir changer (L'intrus, Nénette et Boni). Ou voir dans cet impossible mélange à l’autre la source d’une liberté secrète (Vendredi soir).
NB: pour découvrir le cinéma de Claire Denis, il est bon de se munir de patience et d'un lecteur de DVD dézoné. En effet, certains des films envoûtants de cette artiste hors courants ne sont accessibles que sous la forme de DVD zone 1! (au temps pour la défense de la diversité culturelle française)