dimanche 19 juillet 2009

Le deuil de l'insouciance: Été violent, de Valerio Zurlini (1959)



Les alentours de Rimini, Italie, 1943. La guerre n'est pas encore tout à fait perdue et ses derniers soubresauts parviennent à peine à troubler les fêtes perpétuelles d'une bande de jeunes gens de la bonne société. Un des membres de ce groupe, Carlo (Jean-Louis Trintignant), fils dilettante d'un homme qui a eu le tort de s'acoquiner avec les fascistes, rencontre Roberta (Eleonora Rossi-Drago), héritière d'une famille prestigieuse et veuve depuis peu. Ils tombent amoureux...

Des moments de grâce pure dans un univers qui sombre: voici l'histoire.
Eleonora est une survivante d'un monde moribond qu'incarne sa mère, aristocrate momifiée dans ses valeurs désuètes. La jeune veuve est, à 30 ans à peine, condamnée à triple titre à une respectabilité mortifère: parce qu'elle descend d'une lignée noble, parce que son mari est mort en héros, parce qu'elle est mère, il lui est interdit de vivre selon son cœur. Carlo n'est rien et ne veut rien être, que ce soit par référence à un père adoré et conspué à la fois, par rapport à la société (de stratagème en intercessions il esquive la conscription), ou en général. Elle représente une classe sociale qui n'est plus grand-chose, il est le produit d'un arrivisme qui va disparaître pour avoir fait les mauvais choix. Tous deux sont voués à la disparition en tant qu'individus, leur histoire est pareillement vouée à l'échec - et c'est peut-être pour cela qu'elle leur paraît irrésistible (magnétique scène d'approche, dans une chorégraphie sensuelle et nocturne sur l'air de "Temptation"), alors que le monde qu'ils ont connu se désagrège autour d'eux.


Il est significatif que deux raids aériens marquent les bornes de leur relation, exacerbant l'impression que la fin est proche et que chacun est la planche de salut de l'autre (pour Roberta contre sa transformation en vestale bourgeoise, pour Carlo contre sa propre indécision).
La fuite en avant est d'autant plus tentante et d'autant plus interdite. Mais tandis que la jeune femme se laisse submerger par la passion et brave de plus en plus radicalement les interdits liés à sa condition (auxquels elle s'était d'abord cramponnée), son amant, si enflammé au début, semble se laisser couler de plus en plus profondément dans la passivité.

L'Histoire qui est passée par là a révélé les caractères et a montré que l'instinct de vie n'était pas également partagé. On peut même se demander si, sans ce contexte, l'amour de Carlo et Roberta aurait eu lieu. La délicatesse de la mise en scène de Zurlini, le désenchantement léger et tendre avec lequel il filme ses personnages et leurs masques de sourires, permettent de se poser la question et d'y répondre à sa guise.

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