samedi 19 mai 2012

You were never meant to belong to me: Les adieux à la reine (Benoît Jacquot, 2012)

Sidonie Laborde (Léa Seydoux) n'est pas grand-chose et ne laisse rien percer de ses origines, ni de ses aspirations. Sa singularité est de savoir lire. Elle est lectrice auprès de la reine Marie-Antoinette (Diane Kruger) et cette fonction mobilise toute son énergie (pendant tout le film nous sommes cramponnés à sa nuque, rebondissant avec elle d'un lieu à un autre), de même que la reine focalise sa jeune adoration. Sidonie ne vit guère que pour ces quelques instants de la journée où, peut-être, la capricieuse souveraine la fera mander et où elle, la petite rien-du-tout, aura l'autorisation de s'asseoir tout près de sa maîtresse, de croiser son regard, d'allumer son sourire, d'entrevoir un pan d'épaule nue dans l'échancrure de la chemise. De la reine elle accepte tout: qu'elle régisse son temps en lui prêtant une horloge précieuse, qu'elle soit perdue d'amour pour Gabrielle de Polignac (Virginie Ledoyen) et qu'elle lui en parle longuement. Elle lui pardonne tout, jusqu'à se brouiller avec ceux des serviteurs qui se montreraient par trop critiques, jusqu'à épouser un point de vue qui n'est pas celui propre à sa condition, et qui est celui des aristocrates, celui d'une classe, d'un monde, qui est voué à une destruction prochaine...



 
Car des rats mort flottent sur les bassins, des moustiques attaquent cruellement les peaux: le 14 juillet 1789 ressemble encore à un jour d'été pénible et languide, dès le 15 des libelles meurtriers circulent. De Paris parviennent des bruits inquiétants, dont la confusion même souligne le danger de la situation. Lentement, ils finissent par perfuser les couches multiples (filmées comme les ponts grouillants de monde et étroits du vaste paquebot que serait Versailles) qui forment la cour et qui isolent le couple royal de son peuple. Une liste de têtes à couper circule, et tout le monde semble la perdre (la tête) par anticipation: on fuit, on ne fuit plus; on se tue sur place pour ne plus attendre dans la peur.


La reine sort brutalement - mais tardivement - de ses rêves de belles toilettes et de riches broderies lorsqu'elle réalise que la vie de celle qu'elle aime est menacée précisément parce qu'elle est aimée d'une reine haïe par le peuple, et qu'elle a bénéficié de ses largesses. Se sachant perdue, Marie-Antoinette soumet Sidonie au plus cruel des chantages: elle doit prouver son amour pour sa reine en participant à la fuite de Gabrielle de Polignac vers la Suisse, Sidonie vêtue en duchesse et la duchesse travestie en servante. Pour Sidonie cela signifie une mort certaine si le convoi est intercepté - et cela marque de toute façon la mort de ses illusions quant à l'affection que lui porte sa reine, qui n'aura jamais fait que la manipuler, avec plus ou moins de conscience de le faire... aussi accepte-t-elle.

J'avoue avoir eu du mal à me sentir émue, pendant un long moment. Trop de cavalcades, accrochée aux jupons de Léa Seydoux, sans doute? Pas assez d'empathie pour son personnage, qui a force de paraître buté et renfermé ne donne pas assez de prise au spectateur? (un peu mon problème sur le précédent et seul film de Benoît Jacquot que j'aie vue avant celui-ci, Villa Amalia) C'est Diane Kruger, à ma grande surprise, qui a fini par m'ouvrir les portes d'un film dont je commençais doucement à me demande où (diantre) il comptait m'emmener. Je crois que c'est la première fois que je la vois faire l'actrice, je n'avais donc aucune attente particulière à son égard. Aucun moyen de me préparer à être soufflée comme je l'ai été devant la scène où elle confie son désarroi amoureux à Sidonie - c'est bien ça, l'amour qui nous fait marcher à côté de nos pompes, fût-ce les pompes d'une reine, et qui nous fait trembler comme un enfant à l'idée de le perdre. Cette Marie-Antoinette-là m'a touchée, alors que le personnage historique m'a toujours été odieux. Pour le reste, je regrette surtout des caractères secondaires trop rapidement esquissés pour être intéressants: Virginie Ledoyen a certes une partition qui repose (logiquement) essentiellement sur sa présence physique et sensuelle, on peut à la rigueur admettre qu'elle n'ait pas 50 mots à dire, mais employer Julie-Marie Parmentier et lui donner si peu à jouer, c'est tout de même dommage.

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