Sidonie Laborde (Léa Seydoux) n'est
pas grand-chose et ne laisse rien percer de ses origines, ni de ses
aspirations. Sa singularité est de savoir lire. Elle est lectrice auprès de la
reine Marie-Antoinette (Diane Kruger) et cette fonction mobilise toute son
énergie (pendant tout le film nous sommes cramponnés à sa nuque, rebondissant
avec elle d'un lieu à un autre), de même que la reine focalise sa jeune
adoration. Sidonie ne vit guère que pour ces quelques instants de la journée
où, peut-être, la capricieuse souveraine la fera mander et où elle, la petite
rien-du-tout, aura l'autorisation de s'asseoir tout près de sa maîtresse, de
croiser son regard, d'allumer son sourire, d'entrevoir un pan d'épaule nue dans
l'échancrure de la chemise. De la reine elle accepte tout: qu'elle régisse son
temps en lui prêtant une horloge précieuse, qu'elle soit perdue d'amour pour
Gabrielle de Polignac (Virginie Ledoyen) et qu'elle lui en parle longuement.
Elle lui pardonne tout, jusqu'à se brouiller avec ceux des serviteurs qui se
montreraient par trop critiques, jusqu'à épouser un point de vue qui n'est pas celui
propre à sa condition, et qui est celui des aristocrates, celui d'une classe,
d'un monde, qui est voué à une destruction prochaine...
Car des rats mort flottent sur les
bassins, des moustiques attaquent cruellement les peaux: le 14 juillet 1789
ressemble encore à un jour d'été pénible et languide, dès le 15 des libelles
meurtriers circulent. De Paris parviennent des bruits inquiétants, dont la
confusion même souligne le danger de la situation. Lentement, ils finissent par
perfuser les couches multiples (filmées comme les ponts grouillants de monde et
étroits du vaste paquebot que serait Versailles) qui forment la cour et qui
isolent le couple royal de son peuple. Une liste de têtes à couper circule, et
tout le monde semble la perdre (la tête) par anticipation: on fuit, on ne fuit
plus; on se tue sur place pour ne plus attendre dans la peur.
La reine sort brutalement - mais
tardivement - de ses rêves de belles toilettes et de riches broderies
lorsqu'elle réalise que la vie de celle qu'elle aime est menacée précisément
parce qu'elle est aimée d'une reine haïe par le peuple, et qu'elle a bénéficié
de ses largesses. Se sachant perdue, Marie-Antoinette soumet Sidonie au plus
cruel des chantages: elle doit prouver son amour pour sa reine en participant à
la fuite de Gabrielle de Polignac vers la Suisse, Sidonie vêtue en duchesse et
la duchesse travestie en servante. Pour Sidonie cela signifie une mort certaine
si le convoi est intercepté - et cela marque de toute façon la mort de ses
illusions quant à l'affection que lui porte sa reine, qui n'aura jamais fait
que la manipuler, avec plus ou moins de conscience de le faire... aussi
accepte-t-elle.
J'avoue avoir eu du mal à me sentir
émue, pendant un long moment. Trop de cavalcades, accrochée aux jupons de Léa Seydoux,
sans doute? Pas assez d'empathie pour son personnage, qui a force de paraître
buté et renfermé ne donne pas assez de prise au spectateur? (un peu mon
problème sur le précédent et seul film de Benoît Jacquot que j'aie vue avant
celui-ci, Villa Amalia) C'est Diane
Kruger, à ma grande surprise, qui a fini par m'ouvrir les portes d'un film dont
je commençais doucement à me demande où (diantre) il comptait m'emmener. Je
crois que c'est la première fois que je la vois faire l'actrice, je n'avais
donc aucune attente particulière à son égard. Aucun moyen de me préparer à être
soufflée comme je l'ai été devant la scène où elle confie son désarroi amoureux
à Sidonie - c'est bien ça, l'amour qui nous fait marcher à côté de nos pompes,
fût-ce les pompes d'une reine, et qui nous fait trembler comme un enfant à
l'idée de le perdre. Cette Marie-Antoinette-là m'a touchée, alors que le
personnage historique m'a toujours été odieux. Pour le reste, je regrette
surtout des caractères secondaires trop rapidement esquissés pour être
intéressants: Virginie Ledoyen a certes une partition qui repose (logiquement) essentiellement
sur sa présence physique et sensuelle, on peut à la rigueur admettre qu'elle n'ait pas 50 mots à dire, mais employer
Julie-Marie Parmentier et lui donner si peu à jouer, c'est tout de même
dommage.
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