samedi 18 août 2012

Bullhead (Rundskop) - Michael R. Roskam, 2011

Il y a peu je vous ai parlé de De rouille et d'os et j'étais passée rapidement sur le fait que son acteur principal, Matthias Schoenaerts, avait été révélé peu de temps auparavant par Bullhead, film belge qui avait fait suffisamment impression pour figurer dans la course à l'Oscar du meilleur film étranger. 

Je ne m'étais pas attardée davantage, ne l'ayant pas vu.... maintenant que c'est chose faite (grâce aux talents de détective de mon homme) je peux en causer plus à l'aise. Et apporter  sans réserve ma contribution au concert de louanges entourant la performance d'acteur de Schoenaerts, qui s'avère être plus bouleversant encore que dans le film de Jacques Audiard. Si les petits cochons de la notoriété ne le mangent pas tout cru (remarquez, vu le morceau ils en seront pour une bonne indigestion...), ce garçon est du bois dont on fait les De Niro.

Une fois que j'ai posé cela (avec grâce), je dois préciser que Bullhead n'est à mes yeux qu'une moitié de bon film, ou à la rigueur (si je suis dans un bon jour, mais faut pas pousser, je viens de reprendre le taf), 75% d'un bon film - ce qui n'est pas si mal. Le contexte est inédit (le milieu des éleveurs bovins et des trafiquants d'hormones de croissance de la Belgique Flamande, à ma connaissance c'est un décor dans lequel la main du cinéma n'a jamais mis le pied), le héros, déclencheur/victime centrale de l'intrigue, est aussi une figure totalement originale (Jacky, un jeune exploitant accro aux hormones, addiction liée à un horrible traumatisme d'enfance). 



Jusque-là c'est épatant, c'est même bien filmé (tons terreux, demi-jours de crépuscule ou de ciels bas), là où ça se gâte c'est lorsque le réalisateur enrubanne ces éléments prometteurs dans une intrigue policière filandreuse (car forcément le trafic d'hormones a mené au meurtre d'un flic, et la police est sur la piste des éleveurs véreux), assez poussive et jonchée de personnages qui ne semblent avoir d'autre intérêt que d'être pittoresques (le trafiquant à béquilles, l'homme de main supporter de foot ascendant facho, le flic homo et sa co-équipière un brin hommasse, les garagistes bêtes comme des pneus...). On se retrouve donc par moments dans un mauvais épisode de Starsky et Hutch, dont n'émergerait que le personnage équivalent de Huggy-les-bons-tuyaux, qui nous remet d'un coup le scénario sur les rails de ce qui est vraiment intéressant: Diederik (Jeroen Perceval) est à la fois le meilleur ami d'enfance de Jacky (Schoenaerts) et l'informateur des policiers... Grâce à lui, ou à cause de lui, ce qui pourrait être prévisible ne réussit pas totalement à l'être car sa relation (forcément trouble, torturée) à Jacky vient parasiter le cours des choses. 

Car Diederik fut le témoin impuissant de ce qui est arrivé à Jacky, il fut cet enfant qui n'avait pas pu aider son copain, et le retrouvant toutes ces années plus tard il est le seul qui puisse lui éviter d'aller à sa perte - tout en étant en position de le détruire. Une jeune femme, elle aussi actrice du passé de Jacky, joue un rôle analogue à celui de Diederik, mais de manière moins forte, comme une réplique plus classique du même motif. Et je ne peux m'empêcher de me demander si le réalisateur/scénariste n'a pas manqué là une belle occasion d'épurer son histoire en faisant l'économie d'un personnage, et en mettant davantage en valeur la relation douloureuse entre les deux hommes - qui culmine lors d'une scène superbe filmée en clair-obscur dans l'étable et au cours de laquelle Jacky, sortant pour une fois de son mutisme animal, confie l'amertume de sa vie à son ami. Pendant ces quelques minutes-là tout fait sens brusquement, la carapace bestiale de l'homme qui permet d'abriter, ou mieux, de camoufler, l'enfant mutilé et trahi, mais qui le coupe à jamais de tout vrai contact avec les autres êtres humains.

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