samedi 11 août 2012

Les enfants de Belle Ville (Asghar Farhadi, 2004)

Téhéran, un centre de détention pour mineurs. Ala (Babak Ansari) organise une petite fête pour les 18 ans de son ami Akbar. Il ne réalise pas que celui-ci, emprisonné pour le meurtre de sa petite amie (en fait un double suicide raté des deux amoureux), est désormais passible de la peine de mort en vertu de la loi du talion. Grâce à un gardien compatissant, Ala est autorisé à sortir pour tenter de sauver la vie de son ami en implorant le pardon du père de la victime (Faramarz Gharibian). Mais l'homme rejette hargneusement sa demande, comme pendant deux ans il est resté sourd aux suppliques de la sœur d'Akbar, Firouzeh (Taraneh Alidoosti). Ala et la jeune femme vont unir leurs maigres forces pour essayer de le fléchir, coûte que coûte, car le temps presse....



Pas de doute, le Farhadi de 2004 portait en germe celui de 2011 - celui du formidable Une séparation, dont j'ai déjà dit ici tout le bien que j'en pensais, et pense encore (j'attends toujours de voir, en 2012, un film de cette trempe). Malgré quelques scories dans la narration et dans la manière dont les protagonistes sont dépeints, on retrouve l'écriture précise et la description, claire et factuelle comme une planche d'anatomie, des relations sociales (plus qu'un peu corsetées par la religion) de l'Iran d'aujourd'hui. Comment les vies de gens qui se débattent pour survivre sont concaténées les unes aux autres à cause de traditions impitoyables qui ne leur laissent pas d'autre choix que de tricher avec leurs convictions intimes, que de compromettre principes et bonheur pour tirer (peut-être) leur épingle du jeu. Quitte à broyer d'autres, pas mieux servis qu'eux, au passage.

Personne n'est mauvais, ou bon, mais tous sont réduits (littéralement, comme on rétrécit sous une pression extraordinaire) à faire de mauvais choix, pour des raisons moralement discutables. Farhadi nous montre que le père de la disparue, loin d'être un monstre insensible, est un pauvre type tombé tout en bas de l'échelle à la suite d'une série de deuils, et qui n'a plus que son refus du pardon, borné, absurde, à quoi se raccrocher. Que la femme qu'il a épousée en secondes noces, qui semble de prime abord plus compatissante envers le sort d'Akbar, ne pense qu'à faire opérer sa fille lourdement handicapée, quitte à soumettre Firouzeh et Ala à un chantage cruel pour parvenir à ses fins. 

Asghar Farhadi déroule brillamment la douloureuse arithmétique des sacrifices et des renoncements concédés face à un système aveugle, devant lequel ni l'amour ni la sincérité n'ont droit de cité.

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