Lenny et Mona Jordan (Ben Gazzara et Louise Lasser) ont trois filles.
Joy Jordan (Jane Adams) est une aspirante chanteuse folk en perpétuel devenir et vivant toujours (faute de succès) chez ses parents. Son incurable idéalisme l'empêche de se caser (la scène d'ouverture du film correspond d'ailleurs à un énième rendez-vous se terminant en désastre) et l'incite à lâcher son boulot bêtement alimentaire de téléopératrice pour une mission plus noble: rejoindre une association donnant des cours d'anglais à des immigrés.
Trish Mapplewood, née Jordan (Cynthia Stevenson) répète à l'envi qu'elle a "tout" (comprendre: mari, enfants, maison, voiture), et notamment à ses sœurs, comme pour mieux les convaincre (et se convaincre elle-même) de sa réussite éclatante. Mais en réalité son mari Bill (Dylan Baker), un psychothérapeute lisse et froid, lui échappe de plus en plus sans qu'elle ait conscience qu'il lui dissimule un problème bien plus grave qu'une simple baisse de libido.
Helen Jordan (Lara Flynn Boyle) est une poétesse célébrée pour son œuvre sulfureuse, bâtie sur les prétendus sévices dont elle aurait été victime pendant son enfance. Jouissant perversement de l'aura trouble que lui confère cette supercherie, elle en profite pour mener une vie mondaine (et sexuelle) débridée. De loin l'observe Allen (le très regretté Philip Seymour Hoffman), un voisin enrobé et inhibé qui assouvit ses fantasmes de domination par le biais d'appels téléphoniques anonymes à des femmes choisies au hasard de l'annuaire. A tout prendre, il aurait peut-être davantage de chances de bâtir une relation avec Kristina (Camryn Manheim), une autre de ses voisines, vieille fille au physique ingrat mais qui semble réellement se soucier de lui alors que la belle Helen ignore même qu'il existe.
Happiness est, je ne pense rien apprendre à personne, un film bâti sur l'ironie: voilà une galerie de personnages (non exhaustive, mais l'aurais-je été que je courais le risque de devenir incompréhensible) qui, tous sans exception, courent après quelque chose qui symbolise pour eux l'arrivée à l'état de bonheur, l'accomplissement ultime. Chacun attribue cette propriété magique à un objectif différent, chacun croit savoir quels sont les obstacles et pourquoi il/elle arrivera (ou pas) à les franchir. Ou, dans le cas de Trish, croient tenir fermement tous les attributs du bonheur et n'avoir plus à le remettre en question. Et tous se trompent - sur ce qui devrait les rendre heureux un jour (peut-être), sur ce qui les rend si insatisfaits en comparaison dans le présent, sur les moyens de parvenir au bonheur, sur les obstacles qui les en séparent encore.
Solondz ne nous épargne la description d'aucune de ces erreurs - ce qui fait que le film semble, par moment, insupportablement cruel envers ses personnages, au point d'en être quasiment inregardable. Mais il ne faut pas s'y tromper pour autant, la véritable cible de Solondz n'est pas la faiblesse humaine - il nous démontre clairement que soit personne n'est totalement un monstre, soit nous sommes tous monstrueux d'une manière ou d'une autre. Ce qu'il épingle, c'est le désir de "normalité" maladif instillé par nos sociétés modernes (et son double inversé, le désir de se singulariser) qui nous change en bestioles hystériques et pitoyables.
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