mardi 8 mars 2011

The yards (James Gray, 1999): Part d'ombre

New-York, quartier du Queens. La famille de Leo Handler (Mark Wahlberg) donne une petite fête pour sa sortie de prison. Leo voudrait être capable de prendre soin de sa mère, Val (Ellen Burstyn), qui en plus de lutter contre une situation financière toujours précaire fait maintenant face à des problèmes cardiaques. Il voudrait aussi que sa cousine Erica (Charlize Theron), dont il a toujours été très proche, le regarde comme elle regarde Willie, le beau gosse flambeur qu'elle s'apprête à épouser et qui travaille pour le nouveau beau-père d'Erica, Frank (James Caan). Ce dernier est le patron influent et roublard d'une de ces entreprises qui se battent pour obtenir l'un des très convoités contrats de construction et d'entretien du métro new-yorkais, et c'est peu dire que ses méthodes vont très au-delà de l'invitation à déjeûner pour fluidifier les rapports sociaux... Leo se retrouve très vite entraîné dans les magouilles de Frank et accusé de meurtre à cause de la lâcheté de Willie (c'était déjà pour le couvrir que Leo avait fini en prison), recherché par l'un comme par l'autre pour préserver une famille (en apparences), mais surtout un système qui les nourrit et qui menace de s'effondrer si Leo parle.

Je n'avais jusque-là pas été très sensible à l'univers de James Gray, tout en lui reconnaissant un vrai talent d'auteur pour le choix de sujets, les thématiques tournant autour des grandes et petites tragédies familiales, le poids des origines, les tentatives de ses personnages pour faire prévaloir leurs choix personnels sur un certain déterminisme social.... mais aussi un vrai œil de cinéaste dans la composition des plans, une mise en scène faisant la part belle à des numéros d'acteurs telluriques et à une photographie épousant les zones d'ombre. J'ai vu Little Odessa, j'ai vu La nuit nous appartient, c'est parfaitement bien fait mais ça ne m'a pas remuée plus que cela.

Et puis là, boum, The yards: on ne joue plus. Dramaturgie tout aussi classique (je rappelle à tout hasard que "classique" n'est pas davantage un défaut que "original" ou "nouveau" ne sont des qualités), lumières glauques (dans tous les sens du terme, quoique le transfert DVD tout baveux de BAC Films gâche le plaisir esthétique), histoire tout aussi prédestinée que dans les autres films de Gray. On peut sentir dès les premières minutes que Leo ne réussira pas à se réinsérer sans faire de vagues, qu'il n'aura jamais sa cousine non plus. D'ailleurs ce second rêve est tout aussi tabou, du fait du risque de consanguinité, que l'est le premier, du fait de son statut d'ex-taulard d'une part et d'autre part de la corruption profonde du milieu qu'il pénètre, de sa famille telle qu'il la retrouve. 
Que ces évolutions du scénario soient prévisibles n'enlève rien aux puissantes émotions que dégage le film, les interprètes (le mutisme douloureux de Wahlberg, décidément excellent dans le registre minimaliste; la viscosité du personnage de Phoenix; Charlize Theron en innocente cernée par le mal). La corruption est une malédiction ancestrale, une tache qui gagne le cœur de tous, et même les tentatives de Leo pour faire éclater le scandale et sauver les siens ne font qu'alimenter un autre chantage, d'autres tractations obscures. Si peu que Leo y ait touché, sa vie en est changée à jamais et les dommages sont irréparables.


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