mardi 5 mars 2013

Make your blood hum: Désirs humains (Fritz Lang, 1954)

Jeff Warren (Glenn Ford) vient de quitter le front de Corée et retrouve, avec un profond sentiment de soulagement, son emploi de conducteurs de trains. Fini la guerre, les cadavres, la boue, à lui le train-train (oui, il fallait que je la place), les sorties ciné du samedi soir, les parties de pêche. La vie tranquille et honnête, la normalité. Il est provisoirement hébergé par un collègue cheminot dont la fille, Ellen (Kathleen Case), a bigrement poussé en son absence et lui fait ouvertement les yeux doux. Et la remarque (pas franchement désintéressée) que dans son petit plan-plan d'avenir il manque tout de même une touche féminine, la perspective d'une attache sentimentale. Jeff hausse les épaules, on sent bien que cela ne fait pas partie de ses priorités immédiates.


Mais même les hommes les moins susceptibles de tomber dans le piège de la passion y succombent. Par exemple Carl Buckley (Broderick Crawford), dont Jeff apprend en passant qu'il a épousé la vendeuse du stand de cigares - Carl est fou d'elle mais on sent bien, à la manière un peu contrainte dont les gens l'évoquent, que l'on n'a pas une très haute opinion d'elle. 

Les deux histoires, celle de Jeff et celle de Carl, vont entrer en collision à la suite d'une succession d'évènement. Carl est viré et demande à sa femme Vicki (Gloria Grahame) de plaider sa cause auprès de son patron John Owens, chez qui la mère de Vicki a officié comme domestique. Mais Vicki revient du rendez-vous plusieurs heures plus tard et son mutisme ne résiste pas longtemps à la jalousie inquisitrice de Carl: il est rapidement évident qu'elle a dû faire davantage que de parler du bon vieux temps pour obtenir que son mari retrouve son poste. Fou de rage, Carl lui impose d'écrire une lettre permettant de tendre un piège à Owens à bord du train qu'il doit prendre le soir même. Malheureusement pour le couple, Jeff se trouve également à bord du train...

 
Le triangle infernal est dès lors formé: Carl, d'Owens, contraint Vicki à éloigner Jeff pour éviter que celui-ci ne découvre le cadavre. Vicki en profite pour "vamper" Jeff, qui donne un faux témoignage pour la protéger lors de l'enquête. Se dépeignant comme une femme battue vivant sous l'emprise d'un mari alcoolique, la jeune femme achève de le séduire Jeff et tente de le persuader de tuer Carl. 


Tout l'attrait du film réside dans son ambiguïté, sous des dehors de simplicité de l'intrigue: Jeff est quelqu'un qui prétend chercher la quiétude mais qui se retrouve très vite plongé dans une situation malsaine qu'il lui aurait été facile d'éviter; Carl semble être le jouet de ses propres pulsions, brutal et sans scrupules, n'hésitant pas à instrumentaliser son épouse; Vicki se présente comme une victime de la convoitise des hommes et de son origine sociale modeste. 




Mais ces apparences ne résistent pas aux tensions extrêmes qui parcourent ces personnages - avidité, concupiscence, possessivité - et qui, toutes, trouvent leur origine ou leur exutoire en Vicki, créature dont l'étendue de l'amoralité se dévoile graduellement au fil de l'histoire. On ne rendra jamais assez justice, à mon sens, au talent de Gloria Grahame: un peu plus aguicheuse elle aurait été vulgaire, un peu moins esquintée par la vie elle aurait été un monstre incapable de susciter l'empathie. Sa Vicki est une petite fille solitaire qui a poussé de travers et qui a dû se cramponner à ses mensonges pour tenir le coup, et qui a usé de sa séduction puisque c'est tout ce qu'on attendait d'elle. 





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