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Boris Lermontov (Anton Walbrook) est un directeur de ballet aussi célèbre qu'il est exigeant, secret et froid. Seule la danse est capable de l'émouvoir, de faire passer en lui quelque chose qui ressemble à un souffle de vie, de passion - mystique plutôt que charnelle, car il vit comme un moine en sa foi. Le hasard met sur son chemin deux talentueux jeunes gens: Julian Craster (Marius Goring), aspirant-compositeur dont le travail a connu le succès à la suite d'un plagiat, et surtout Victoria Page (Moira Shearer), une danseuse passionnée. Désireux d'exploiter les ambitions qu'ils sent frémir chez eux, Lermontov leur donne leur chance: ils vont respectivement créer la partition et interpréter le rôle principal d'un nouveau ballet, basé sur le conte d'Hans Christian Andersen, Les souliers rouges. Dans ce conte, une jeune fille trop frivole convoite une paire de souliers de bal ensorcelés qui causeront sa perte: une fois qu'elle les a enfilés, ils ne peuvent s'arrêter de danser.
Boris Lermontov (Anton Walbrook) est un directeur de ballet aussi célèbre qu'il est exigeant, secret et froid. Seule la danse est capable de l'émouvoir, de faire passer en lui quelque chose qui ressemble à un souffle de vie, de passion - mystique plutôt que charnelle, car il vit comme un moine en sa foi. Le hasard met sur son chemin deux talentueux jeunes gens: Julian Craster (Marius Goring), aspirant-compositeur dont le travail a connu le succès à la suite d'un plagiat, et surtout Victoria Page (Moira Shearer), une danseuse passionnée. Désireux d'exploiter les ambitions qu'ils sent frémir chez eux, Lermontov leur donne leur chance: ils vont respectivement créer la partition et interpréter le rôle principal d'un nouveau ballet, basé sur le conte d'Hans Christian Andersen, Les souliers rouges. Dans ce conte, une jeune fille trop frivole convoite une paire de souliers de bal ensorcelés qui causeront sa perte: une fois qu'elle les a enfilés, ils ne peuvent s'arrêter de danser.
La première est un triomphe, Vicky
devient une overnight sensation.
Lermontov passe un marché avec la jeune fille: si elle se voue toute entière à la
danse - et en passant, si elle se laisse guider aveuglément - il fera d'elle la
plus grande des danseuses. Vicky accepte, trop heureuse d'être le centre de
l'attention d'un aussi grand homme... négligeant un peu vite l'aversion de
Lermontov pour toute forme d'engagement sentimental chez ses protégées. Pour
lui, le véritable artiste ne saurait partager son âme entre son art et une
affection terrestre, or Vicky a tôt fait de tomber amoureuse et, pire encore,
elle ne tombe pas amoureuse de lui mais de Julian Craster.
Les
chaussons rouges n'est pas mon film préféré au rayon Powell &
Pressburger. Peut-être est-ce mon indifférence totale au monde de la danse (à
l'école j'étais sans doute la seule petite fille à ne pas la pratiquer), mais à
tout prendre j'ai eu plus de problèmes avec Les contes d'Hoffmann, qui n'est que ballet. Peut-être simplement
l'intrigue me touche-t-elle moins (et le traitement esthétique, éminemment
baroque, me séduit-il moins) que dans d'autres de leurs œuvres comme Colonel Blimp, Je sais où je vais ou Le narcisse noir. Je n'ai pas, somme toute, pour ce film l'adoration que
peuvent lui vouer Martin Scorsese ou Bertrand Tavernier, qui ont énormément
fait pour que le travail de Michael Powell soit reconnu à sa juste valeur (voir
les mémoires de ce dernier chez Actes Sud/Institut Lumière, et notamment le
jugement incroyablement brutal et pour tout dire, bête à manger du foin, d'un
certain... François Truffaut). Je dois tout de même admettre que je revois mon
appréciation des Chaussons rouges à
la hausse au fil du temps, à mesure que je perçois de nouvelles nuances dans
son étourdissant tourbillon de sons et de couleurs.
Sur le sujet d'abord: quelle mise en
abyme superbe! Le ballet commandé par Lermontov a pour thème Les souliers rouges d'Andersen et Vicky
sera victime, comme l'héroïne du conte, de son désir de danser à tout prix
(quelques plans suggèrent que, dans son désarroi, elle croit être sous
l'emprise d'un sortilège). Lermontov pourrait être le double du cordonnier
diabolique qui, dans le ballet noue à ses chevilles les chaussons funestes,
puisque c'est lui qui sert de déclencheur aux évènements qui perdront Vicky. L'emprise
de Lermontov sur Vicky est soulignée à de multiples reprises par des plans en
champ-contrechamp où la jeune femme, mise de poupée de porcelaine et visage
presque enfantin, semble entièrement sous le pouvoir des regards intenses, des
mains rassurantes et de la présence physique pure de son mentor.
On peut remarquer d'ailleurs que
Lermontov est introduit dans toute sa sulfureuse aura de mystère (des mains
dépassant de la draperie de sa loge de théâtre, une rumeur qui court dans les
travées), dans une scène d'ouverture dont je me demande si elle n'aurait pas un
tout petit peu inspiré De Palma pour le Swan de son Phantom of the Paradise (le thème du plagiat et de la dépossession
artistique étant également commun aux deux films). Car il y a une certaine
parenté entre les deux personnages, un peu Faust, un peut Dorian Gray, un peu
Pygmalion, une allure quasi vampiresque dans l'accoutrement précieux. Walbrook
nous est ainsi montré arborant de somptueux vêtements d'intérieur exotiques
faits de soie ou de velours, ou promenant (rarement, tant il privilégie
l'obscurité qui le dissimule) sa pâleur extrême sous d'immenses lunettes
noires, ce qui renforce l'aspect inquiétant, inhumain, du personnage.
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Détail pas si anecdotique: Lermontov également est le
nom d'un poète russe dont l'œuvre la plus connue, Le démon, parle d'un esprit malin qui s'éprend d'une jeune fille
et la détourne de son fiancé.
Autre
possibilité troublante (je ne me souviens plus si Powell en traite dans ses
mémoires, mais j'en doute), que Les
chaussons rouges soit aussi une manière d'autocritique des intransigeances
de Powell en tant que réalisateur, vis-à-vis des personnes qu'il a
(professionnellement, émotionnellement) maltraitées? Je délire peut-être, mais
il reconnaît lui-même n'avoir pas été très souple dans l'exercice de son
métier, et dans les tourments infligés par Lermontov à la pauvre Vicky il me
semble voir un peu de la dureté manifestée par le jeune Michael envers celle
qu'il aimait, Deborah Kerr. Ou alors faut-il voir ce reflet en Craster, qui
suit sa route en comptant que Vicky le suivra, lui imposant un cruel sacrifice?
La deuxième redécouverte du film,
c'est Anton Walbrook: ciel, quel acteur! Il est prodigieux de classe et de
versatilité, d'une manière peut-être encore plus frappante ici que dans Colonel Blimp (encore que, dans ce
dernier, son monologue soit un bijou). Dans Les chaussons rouges il fait tout, il est tout: l'esthète glacial
et reclus, le patron intransigeant, le protecteur envahissant aux rancunes
d'amant trahi, le machiavélique manipulateur, l'homme blessé puis brisé. Son
visage à la mobilité imperceptible est la seconde partition des Chaussons rouges, et pas la moins
virtuose.
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